Dans l’Isère, à 450 mètres d’altitude, quand il fait trop chaud, l’herbe ne pousse pas. À 450 m d’altitude, les parcelles labourables sont rares, le travail mécanique difficile. Mais à 450 m d’altitude, on profite de la ressource en bois pour compléter ses revenus et surtout valoriser son savoir-faire et son terroir via une production sous Indication géographique protégée (IGP), celle du fromage Saint-Marcellin. En Gaec avec deux associés, Bruno Neyroud avait très envie de connaître l’empreinte environnementale de son exploitation par rapport aux changements climatiques avec toutes ses contraintes de production et ses atouts. « Les cahiers des charges des deux fromageries que nous approvisionnons nous imposent une alimentation pour nos vaches composée à 80 % de fourrages et 180 jours de pâturages. » Contraint de maintenir un niveau élevé en termes d’autonomie alimentaire – le Gaec atteint les 88 % – il voit aussi dans ce bilan un moyen de parler de son métier sous un autre angle. Juste pour répondre à la question : comment peut-on, dans un environnement difficile, minimiser son empreinte carbone ?
Haut niveau d’autonomie alimentaire
À l’issue du diagnostic qu’il a réalisé fin 2014, sa ferme ressort, sans surprise, excellente sur le volet de l’autonomie alimentaire. Elle peut encore gagner en efficience en stabilisant sa consommation d’aliments concentrés, difficile de faire moins, tout en accroissant la production lait. Un des points forts du Gaec porte sur les apports en protéines. 8 ha sont semés en luzerne sur les 30 ha que l’agriculteur peut cultiver. « C’est absurde d’importer du soja du brésil, il faut essayer d’optimiser au maximum, si on peut, avec la culture de légumineuses », conseille Bruno Neyroud. Ses prairies sont aussi semées avec un mélange dit « Saint-Marcellin », qui associe du ray-grass anglais, de la fétuque souple, un trèfle blanc rampant, un trèfle blanc agressif, du dactyle et du lotier. « Nous gérons ces parcelles sur de longues périodes », explique-t- il. L’objectif est de maintenir sur sept à huit ans un bon niveau de production avec un minimum d’apport d’engrais de synthèse. Dans des prairies, lorsque le trèfle est moins présent, un apport d’azote est parfois nécessaire.
Les apports de protéines pour les vaches laitières proviennent pour plus du tiers des cultures et prairies de l’exploitation.
Par contre le logiciel, plutôt paramétré pour les zones de bocage, note mal l’exploitation pour le stockage du carbone dans les haies. Le regard de l’éleveur se tourne vers les hectares de bois qui occupent la vallée où se situe l’exploitation : « Ici, on a très peu de haies, que des arbres, et nous diversifions notre revenu avec une activité bois énergie », relève-t-il. On peut empiriquement considérer qu’il est aussi dans les clous de ce côté. Pour la consommation énergétique, la ferme est tournée vers les énergies renouvelables, bois oblige.
S’adapter aux changements climatiques
Si Bruno Neyroud veut réduire les émissions de GES de sa ferme, son objectif est aussi de l’adapter aux changements climatiques. « Les périodes de forte chaleur où l’herbe souffre sont de plus en plus fréquentes, constate-t-il. La culture du maïs est la meilleure réponse, c’est notre assurance pour nourrir les animaux. N’oublions pas qu’elle a été introduite dans notre région suite à la sécheresse de 1976. » Source d’énergie pour les laitières, elle est destinée à l’ensilage. Elle complète la période de pâturage, qui s’étale de mars à novembre mais aussi le fourrage distribué en hiver. L’agriculteur expérimente d’autres espèces en mélange. « J’essaye d’introduire de la chicorée. Elle possède un système racinaire profond, c’est un bon fourrage qui reste bien vert. »
Avec aussi un recul très léger du poste de charges que l’on ne peut pas négliger car le prix du lait, lui, n’a en rien progressé.
Deux ans après ce premier bilan carbone, il attend avec impatience le second. Histoire de valider cette fois qu’il a gagné en efficience. « Comme recommandé, j’ai augmenté de 10 % ma production de lait, stabilisé les achats de concentrés et réduis les apports d’engrais de 33 %. Ramenée au litre de lait, mon empreinte devrait s’être améliorée ! »